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Pierre Gattaz s’exprimait récemment sur RTL ; cette prise de parole de fin de mandat lui a donné l’occasion de réaffirmer que trois éléments sont nécessaires à la croissance de l’entreprise : la compétitivité (qu’il faut continuer à favoriser par des mesures telles que le CICE et le crédit impôt recherche ou surtout par une baisse des charges), la confiance (dans les entrepreneurs) et les compétences (ce dont on manque, actuellement comme le montre les 200 000 offres d’emploi non pourvues faute de candidats adéquats) …

La mise en évidence de ces 3 leviers est intéressante… et les présenter dans une autre chronologie va mettre en évidence les liens nécessaires à une dynamique efficace.

La première condition à créer, à la source de cette dynamique de l’offre, souhaitée par le patron des patrons et  notre gouvernement, est la confiance.
Elle représente la prime condition d’émergence des comportements qualitatifs nécessaires à la croissance : envie du futur, ambition à moyen et long terne, capacité à la remise en cause, souplesse, ouverture, esprit d’innovation pour imaginer l’offre, puis engagement, vitesse, concentration, collaboration, solidarité pour la réalisation immédiate de nouvelles chaînes de valeur…

La deuxième condition est le développement de compétences adaptées aux nouvelles approches. En effet, chaque apprentissage a besoin, pour être rapide et pérenne, de s’appuyer sur un engagement « en même temps » intense et serein… ce qui demande justement de posséder une confiance forte et stable.

La troisième condition est l’offre compétitive, dont l’élaboration résulte de l’interaction entre confiance et compétences, orientées vers l’avenir.

Parce qu’elle constitue la condition fondatrice de ce triptyque, réfléchissons plus avant sur la confiance.
Reconnue pour son rôle dans l’économie, confiance est très étudiée depuis plus d’un siècle. Les sciences sociales la définissent comme issue de 3 sources : soit d’un mélange de réflexion rationnelle (théorie du calcul des coûts de transactions), soit de relations interpersonnelles et coopératives (théorie de la nouvelle sociologie économique), soit d’interactions avec les institutions (qui soutiennent les acteurs à travers les modes d’organisation collective qu’elles installent).

Cependant, malgré cette connaissance partagée, nous allons voir que ces trois composantes de la confiance se montrent imparfaitement intégrées dans la création des dynamiques contemporaines, tant au niveau de l’entreprise que de l’état.

En ce qui concerne le « Macronisme », ses fondamentaux philosophiques s’appuient sur les travaux de Paul Ricœur (l’intérêt du dialogue et de la médiation entre approches opposées), sur ceux de John Rawls (prônant une justice sociale fondée sur les libertés de base et la réduction des inégalités économique) et d’Armatva Sen (soulignant l’importance d’apporter la liberté d’action à tout un chacun).
Ces penseurs l’amènent à vouloir mettre en place un « libéralisme égalitaire », c’est à dire à une philosophie de l’égalité des chances (« la France doit être une chance pour tous »), instaurée par une nouvelle organisation de la société.
Emmanuel Macron pense qu’une autre disposition sociétale va suffire pour créer les conditions de la confiance et de l’engagement : pour lui des institutions créant des conditions équitables de départ et d’accès aux possibilités du marché suffisent à elles seules pour créer la dynamique de chacun.

Par cette approche il s’appuie clairement sur une des 3 sources de la confiance citées plus haut, celle issue de l’échange avec les structures. Il semble ne pas percevoir qu’en premier lieu, la confiance dépend des relations que les hommes développement entre eux, et tout particulièrement pour les individus malmenés.
Ce qui veut dire que, pour un patron souhaitant dynamiser son entreprise, ou un gouvernant désirant la « transformation » de son pays, l’atteinte de ces objectifs dépend directement de la manière dont les êtres humains sont « managés »…c’est à dire de la manière on les considère, leur donne espoir, dialogue avec eux, oriente et soutient leur implication.

Ce lien entre engagement, expression des capacités humaines et management constitue l’indispensable levier central de tout projet ambitieux d’évolution collective… et pourtant il en constitue le grand oublié.

Pierre Gattaz en parle un peu d’une certaine manière, mais en adressant ce principe uniquement au gouvernement, qui devrait d’après lui installer un travail plus participatif avec les administrations.

Notre ministre de l’Education Nationale Jean Michel Blanquer, Notre ministre de l’Éducation Nationale Jean Michel Blanquer, accompagné des neuropsychiatres Boris Cyrulnik et Stanislas Dehaene, côtoie le sujet lorsqu’il plaide pour une nouvelle maternelle et une école de la confiance, grâce à une transmission du savoir sereine, non-anxiogène et sécurisante, appuyée sur une qualité de relation entre les intervenants et les enfants … Mais cette conception reste dédiée aux très jeunes enfants, et lorsque le président s’adresse aux français « adultes », il passe à côté de l’aspect relationnel de son sujet. Malgré ses bonnes intentions, on comprend qu’il paraisse alors insensible à la difficulté humaine (le « président des riches »).

Ce décalage d’approche va encore plus loin à l’intérieur de l’exécutif, et l’actuel gouvernement en arrive à se poser en anti modèle managérial.

Après la réduction massive des effectifs des cabinets ministériels, les articles se sont multipliés décrivant la vie interne du gouvernement : le rythme de travail effréné, la pression constante, l’exigence de disponibilité quasi permanente, l’ambiance malsaine qui règne (dixit les intéressés).
La violence de certains entretiens fondés sur un management de menace et peur, ont généré de nombreux départs de Bercy et dans l’entourage des ministres (renoncement de 4 conseillers, ré affectation de 14 secrétaires du cabinet du 1er ministre) avec cohérence et sincérité par rapport à ses croyances.
Pour obtenir plus de célérité, de densité et résultat, il faut mettre plus de pression : « plus ils vont travailler, plus cela va produire et plus vite on va réussir ». … et tant pis pour les « faibles ».

En fait, rien ne bouge dans la compréhension de nos leaders depuis les conceptions élaborées au début du 20ième siècle. Nous retrouvons ainsi à la tête de l’Etat un management qui fait souffrir et partir…devenu un parfait miroir de l’entreprise néo libérale classique dans laquelle le burn-out se développe rapidement et s’ancre désormais durablement (490 000 cas d’affection psychique reconnus par le réseau de veille des médecins du travail en 2018).

Plutôt que d’attendre une inaccessible reconnaissance officielle de ce fait, il apparaît plus intéressant de rappeler que le management réellement adapté à l’instauration d’un dynamisme entrepreneurial ou sociétal est un management générateur d’un vrai plaisir à travailler ensemble, d’un désir de réussir partagé et d’une envie d’apprendre et d’évoluer.
Ce style de management sait relier les besoins humains (de relation, de sens, de cohérence et de croissance) au futur réussi d’une entreprise ou d’un pays et à « l’émancipation » de chaque être humain.
Il se montre le plus capable pour faire émerger les comportements de vitesse, d’ouverture, de mouvement, de souplesse, de cohésion, nécessaires à l’élaboration d’une aventure collective novatrice.

Pour le gouvernement, une première porte d’entrée sur ce sujet pourrait être de prendre conscience que, pour rendre crédible le message du « libérer-protéger », ainsi que la venue d’une société de la bienveillance et de l’épanouissement humain… il est inconvenant de faire souffrir les artisans de ce futur univers.
Il serait en fait plus cohérent et crédibilisant de s’appuyer sur un engagement enthousiaste et motivé des équipes pour élaborer un monde futur annoncé comme positif.

Pour l’entreprise, il serait utile de prendre conscience que ses modes de management dominants s’appuient sur une représentation très datée de l’être humain aux effets aggravés par l’arrivée du néo-libéralisme.
De manière angélique, on pourrait certes rêver d’une civilisation qui enverrait Milton Friedman aux oubliettes, remettrait par soucis éthique l’humain au cœur des préoccupations et reléguerait le techno-capitalisme au rang de moyens au service du développement humain… mais pour l’instant, soyons plus modestes.
Aidons l’entreprise à identifier que sa recherche d’un positionnement gagnant et durable passe par un management générateur d’engagement individuel et collectif sincères.
Dialoguons avec elle pour qu’elle ne compte plus sur la réaction craintive des hommes face à une pression agressive pour obtenir ses résultats.
Favorisons sa prise de conscience du fait qu’une approche appuyée sur l’engagement sincère des hommes, si elle apparaît au premier abord paradoxale et inquiétante, se montre en réalité rapidement la plus efficace chaque fois qu’elle est mise en jeu

Quant à la manière précise de procéder pour mettre en place une telle pratique managériale et bénéficier de ses effets positifs, disons pour l’instant que cela s’apprend, à condition d’être accompagné, légèrement mais sur la durée, tant sur le champ de ses représentations que sur celui de ses compétences comportementales.

Henri DUMONT

Regroupement des laboratoires de biologie médicale

Retrouver l’interview d’Henri Dumont en cliquant sur le lien
Interview d’Henri Dumont Biologie médicale juillet 2016

L’entreprise libérée succès d’année ou outil du futur ?

Qu’est ce qu’une entreprise libérée ?

La notion d’entreprise libérée a émergé récemment dans le paysage managérial et suscite aujourd’hui la curiosité des entrepreneurs.

Cette approche apparaît dès 1993 dans l’ouvrage de Tom Peters « L’entreprise libérée : libération, management », et a été mise en avant à partir de 2009 par Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe, à partir de ce qu’il avait pu observer par exemple, chez FAVI en Picardie, chez Poult à Montauban ou bien au niveau international chez Gore, Nordstrom ou encore chez Zappos.

Cette terminologie recouvre une entreprise qui supprime les contrôles inutiles et accorde plus d’autonomie à des salariés devenus libres et responsables d’entreprendre les actions qu’ils estiment positives pour l’entreprise.
Partant du principe que les salariés sont les mieux placés pour savoir comment faire le travail, l’améliorer, le faire évoluer et innover, leur patron supprime les procédures, la surveillance et les hiérarchiques qui s’en occupent.

Ce modèle d’organisation fait maintenant l’objet de discours multiples qui mélangent souvent dans une soupe managériale les notions de digitalisation, d’entreprise étendue, de bien-être au travail, de bonheur, d’éthique, de performance et autres termes vendeurs…. Mais que penser réellement de ce concept ? Peut on libérer les énergies, les pensées et les échanges et aboutir à une dynamique collective efficace ? Cette forme de décision et d‘action peut elle concerner tous les types et tailles d’entreprises, et toutes les situations ? Faut-il croire en son efficacité et en son avenir ?

Pourquoi apparait t’elle aujourd’hui ?

Différents facteurs expliquent l’émergence de cette nouvelle approche : l’avènement du numérique qui a ouvert le jeu relationnel dans la société, l’évolution de l’environnement qui impose à l’entreprise en permanence innovation et adaptabilité, un besoin d’efficience qui amène à ne plus accepter les coûts cachés les plus « « évidents » (absentéisme, turn over, erreurs répétitives…).

De plus face à un climat social dégradé (dans le dernier baromètre Cegos, 45% des salariés se déclarent motivés par leur travail, 42% avouent mener leur activité avec un engagement limité), l’entreprise a commencé à prendre du recul par rapport aux pratiques Tayloristes prônés par l’école de Chicago, fondé sur un management centré sur les chiffres, les procédures et le contrôle, et soucieux de rentabilité immédiate.

Elle s’est aperçue de la capacité de cette approche… à freiner l’implication, la réactivité, le travail interactif et collaboratif, l’amélioration et l’innovation, et à nuire au final à la performance économique.

Elle s’est souvenue que depuis Kurt Lewin (travaux de 1944 au MIT), toutes les études et expériences indiquent qu’un style de management démocratique ou participatif, dans lequel les décisions impliquent le groupe et tiennent compte de son avis, se montre supérieur au style autoritaire de contrôle-commande dans la plupart des situations.

Elle s’est rappelée de l’évolution de la pensée managériale qui a progressé pas à pas vers un management de plus en plus ouvert, du management participatif de Peter Drucker, à l’entreprise du 3ème type d’Hervé Sérieyx, au management collaboratif d’Annick Lainé et au concept de l’intelligence collective développé par Naomi Klein, Pierre Lévy…

Partant de ces analyses et réflexions, quelques patrons ont voulu remettre de l’humain dans l’entreprise, et ont supposé que recréer de la confiance, redonner de la latitude aux collaborateurs, supprimer la pression du reporting incessant, redonner aux salariés des espaces d’initiative, aller être bénéfique. Ils ont ainsi avancé vers l’entreprise libérée.

Une nouvelle forme d’utopie humaniste ?

Cette approche a tout de suite été taxé d’angélisme : affirmer que les collaborateurs ont envie de responsabilité et d’initiative et que dans un tel cadre, ils vont donner le meilleur d’eux même, faire preuve d’auto discipline et d’auto exigence dans la mise en œuvre de la vision de l’entreprise, voire qu’ils vont l’aider à devenir plus innovante, … est apparu pour certains irresponsable.

Plutôt que d’écouter Jean Jacques Rousseau qui, dans le contrat social, dépeint une humanité fondamentalement positive : « l’homme est bon, c’est la société qui le corrompt », ces opposants préfèrent fonder leur pensée dans les phrases de Plaute dans la « comédie des ânes » : « quand on ne le connaît pas, l’homme est un loup pour l’homme ».

Et il est vrai que si on prend du recul sur la vie des organisations, Rousseau semble oublié et Plaute bien présent. Le fonctionnement des systèmes historiques dépend implicitement de bien d’autres facteurs que la recherche de la performance ou du bien-être humain. Le poids historique de habitudes, les luttes pour le pouvoir, les ressources et l’argent conduisent souvent à des visions purement organisationnelles, à des rapports de force égocentrés, peu en ligne avec les affirmations qui fondent l’entreprise libérée.

Et pourtant des résultats :

Malgré ces observations, des résultats très intéressants ont découlé la plupart du temps de cette nouvelle approche et semble montrer que les idées fondant l’entreprise libérée représentent plus une assertion véridique qu’une illusion rêveuse.

Chez inov-On elle a produit un chiffre d’affaires en hausse de 15% et une rentabilité multipliée par quatre, chez Poult une croissance de 13% en 2013 sur un marché en recul de 2%., quand à Favi, elle est devenue leader européen…

Dans le monde, la vénérable maison Harley-Davidson, au bord de la faillite en 1983, a été sauvée par une animation de ce type, des entreprises comme Gore, ou HCL Technologies ont réalisé ainsi un remarquable développement de leurs résultats, et même certains services publics belges, sont devenus soudain très performants. L’assertion de Jean-François Zobrist semble se confirmer : « la confiance rapporte plus que le contrôle »

Un appui sur les motivations internes

Mais pourquoi ces conséquences positives ? Comment expliquer cet impact ?… peut être parce que cette approche, par sa nature, amène une meilleure mise en œuvre des conditions nécessaires à l’engagement et à la performance humaine que les précédentes.

En effet, les recherches actuelles mettent en évidence que la conception historique qui a influencé les modèles éducatifs et de management, celle qui part de Hobbes, Locke, Condorcet, Stuart Mill et d’autres, et qui affirme que l’être humain est une espèce agressive, calculatrice et prédatrice, qui vise, en toutes circonstances, à maximiser son intérêt égoïste … est incomplète.

Les travaux récents sur le cerveau, les découvertes de la biogénétique montrent depuis quinze ans, que la capacité des êtres humains à ressentir de l’empathie les uns pour les autres est au moins aussi forte que leur agressivité : un management appuyé sur l’activation des motivations humaines, susceptible de générer la confiance et de la libération des potentialités individuelles et collectives, apparaît donc possible !

Pourquoi alors rencontre t’on beaucoup d’attitudes humaines opposées à cette description? Parce que les comportements humains dominants dépendent du contexte… dans un univers interne de pression, d’agressivité et de compétition individualiste, le collaborateur se bat pour sauver sa peau au détriment de son voisin… mais dans un environnement dont la régulation favorise l’échange, facilite et sollicite la réflexion et la collaboration, les comportements de la majorité s’avèrent positifs et responsables.

Dans une configuration adaptée, la confiance se développe. Elle se décompose en une confiance en soi, issue de la qualité des relations internes et de compétences assurant de pouvoir répondre aux attendus professionnels… à laquelle s’additionne une confiance en l’entreprise, produite par un projet collectif attractif et équilibré, et par la cohérence de sa mise en œuvre dans l’organisation.
Sa présence libère les capacités humaines, individuelles et collectives et il semble bien que l’entreprise libérée puisse mieux créer cette expression qu’une approche classique, ce qui explique les résultats positifs qu’elle génère.

Une efficacité qui ne supprime pas les oppositions ?

Cependant, cette méthodologie continue à générer de la méfiance et même de nombreuses résistances car, derrière les résultats, d’aucuns la soupçonnent d’être un cheval de Troie de l’entreprise traditionnelle.

Comment cela ? Parce que, par sa nature, l’entreprise libérée pose la question de l’identité profonde de l’entreprise, de l’orientation première de son action… en fait de ses vraies valeurs.

Si respect et reconnaissance sont accordés aux collaborateurs à travers un dialogue qui ouvre l’échange et pousse à la réflexion collective, comment empêcher que ceux ci prolongent leurs analyses et étendent la question du respect mutuel et de la construction collective à des champs tels que les stratégies de l’entreprise (la fin justifie t’elle tous les moyens ?), ou la question du partage des bénéfices (quel équilibre dans la répartition entre les différents acteurs ?) : voilà des interrogations peu séduisantes pour un conseil d’administration classique !

Ce dernier prend ses décisions à partir d’une pensée sans morale… car l’entreprise appartient à un univers technico économique, qui par nature, méconnait le bien et le mal, et vise juste à optimiser ses gains économiques face au marché… et s’il lui arrive de se mettre à animer de manière plus ouverte les collaborateurs, elle n’agit pas guidée par une pensée humaniste, mais par un intérêt logique à le faire.

La « libération » proposée par l’entreprise renvoie dès lors à un problème fondamental de gouvernance : En quoi l’intérêt propre à chacune des parties prenantes est-il pris en considération dans l’action menée en commun ? Dans le cas où le dirigeant prononce des discours généreux, dispose-t-il lui même d’une liberté suffisante par rapport aux injonctions des actionnaires ? Cette entreprise libérée ne serait elle pas une forme plus fine d’un même jeu de dupes, plutôt qu’une volonté sincère de construire en commun et de réussir ensemble ? S’il s’agit simplement d’accroître la valeur actionnariale, cette entreprise mérite t’elle qu’on s’y investisse davantage ?

Voilà des questions gênantes dont la réponse ne va pas de soi : Google lui-même, souvent cité en exemple comme entreprise d’un nouveau genre, n’a pas du tout apprécié qu’une employée, Erica Baker, ait eu la bonne idée de partager un fichier sur le réseau social interne pour que chacun puisse y indiquer son poste et son salaire.
Cela montre que, au delà de son efficacité, l’entreprise libérée créé souvent une crispation : son potentiel à mettre les esprits en mouvement et à générer des interrogations ouvertes doit apparaître comme une caractéristique inquiétante pour les initiés et élus d’une approche capitalistique classique, appuyée sur des contrats de travail, des liens de subordination bien définis et une communication peu sincère et transparente.

Pour ces tenants de l’orthodoxie, le recours à l’entreprise libérée peut être au mieux une solution temporaire : les ouvriers de Harley Davidson aux Etats-Unis l’ont compris quand, après avoir travaillé selon ces méthodes, ils ont redressé le groupe dans les années 70-80, pour devoir ensuite revenir ensuite à une organisation bien traditionnelle avec un retour en force du Lean dans une forme de néo-taylorisme.
Les salariés d’HTCL ont sans doute fait le même constat quand ils ont vu leur CEO Vineet Nayar sur le départ, après avoir multiplié par 3 le CA de l’entreprise en s’appuyant sur l’engagement et la responsabilité des employés.

La crainte de la demande d’une action entrepreneuriale réellement reliée en interne comme en externe aux valeurs humaines, sociétales et écologique, reste donc forte chez les dirigeants. Il semble bien que l’entreprise libérée révèle un monde « post-capitalistique » ou l’ordre de l’amour aurait pris le pas sur l’ordre technico-économique.

Représente t’elle vraiment une forme de prémisse d’un nouvel univers, d’une autre société ? Peut être dans l’esprit de certains…mais en ce qui nous concerne nous éviterons de nous engager dans une telle prévision et de compter sur un changement prochain de paradigme… Nous constatons juste avec pragmatisme, que cette approche, même sans investir ces questions limites, améliore considérablement les résultats de l’entreprise.

Cette efficacité nous montre, qu’entre les possibilités extrêmes de gouvernance (libéralisme ou humanisme ?), il existe de nombreuses offres intermédiaires possibles et qu’il s’agit pour chaque entreprise de trouver les bons équilibres, de repérer l’espace accessible à construire, ou une bienveillance réciproque et bien conçue sera favorable à une progression, partielle mais réelle, de l’intérêt commun …

Dépasser les analyses trop simples

L’entreprise libérée, comme toute approche émergente, amène à se poser quelques questions binaires : est ce une approche positive ou négative ? Faut il être pour ou contre ? S’agit il d’une mode de plus ou est on en face des prémisses d’une nouvelle méthode de management ?

On peut en tout cas s’accorder sur le fait que ce mouvement naissant (une étude évalue à 3% le nombre d’entreprises libérées dans 18 pays) interpelle. Il avance sans se poser trop de questions théoriques, par l’expérience terrain, en s’appuyant sur ses réussites. Favi, par exemple, dernière fonderie de pièces auto dans son domaine en France, est devenue leader européen.

L’entreprise libérée semble bien réussir à répondre à la question : « comment une organisation humaine réussit elle à s’adapter sous la pression de son environnement concurrentiel pour maintenir et renouveler sa compétitivité ? ». Face à de telles performances, même des groupes ou des grandes structures commencent à s’inspirer en partie de cette approche. Depuis mi-2012, le nouveau patron de Carrefour, Georges Plassat, a redonné de l’autonomie aux directeurs des magasins, supprimant près de 600 postes administratifs au siège, Michelin, Kiabi, Auchan, Mondelez-Suchard, Décathlon se sont aussi engagés dans une direction d’activation des motivations à travers le partage des idées.

Bien sur il faut rester vigilant et se demander face à chaque expérience si on se trouve face à une version managériale généreuse (travailler dans un respect mutuel, libérer l’initiative), ou d’exploitation (détourner les codes tendance de la responsabilité et du bien être, supprimer les lignes hiérarchiques pour couper les coûts de fonctionnement et imposer des démarches d’amélioration continue comme certaines formes de Lean).

Certaines analyses présentent des chiffres moins valorisants pour cette forme d’expérience : chez Morning Star, 50% des collaborateurs ont quitté l’entreprise au bout de deux ans en raison d’un manque de visibilité sur leur possibilité d’évolution et des contraintes d’un mode de fonctionnement où chacun contrôle son voisin. Dans d’autres d’entreprises qui ont souhaité réaliser une évolution rapide le diagnostic a révélé qu’entre 15 et 20% des collaborateurs ont été naturellement poussés à la sortie, voire conduits activement à la démission.
… Et puis reste toujours en arrière plan la question qui brûle, celle de la réalité du « projet partagé » : la possibilité de s’engager avec toutes les ressources de son intelligence pour la réussite de l’entreprise… entraînera t’elle ensuite un partage équilibrée des bénéfices ?

En même temps, face aux évolutions du monde, il convient de revisiter et repenser les modes managériaux de l’entreprise.

Un principe apparaît intangible de l’âge de pierre à l’époque digitale : plus le respect des besoins humains fondamentaux est intégré dans le fonctionnement de l’entreprise, plus l’engagement grandit et la performance progresse.

Par rapport à ce principe, l’entreprise libérée participe d’un mouvement d’ouverture des systèmes humains : tribu sous la loi du chef de l’entreprise pionnière, modèle pyramidal et statutaire des entreprises traditionnelles, organisation matricielle managée à coups d’objectifs, d’ERP et de procédures des multi nationales, entreprise en développement du collaboratif comme Toyota, et finalement entreprise libérée, où les valeurs représentent un vrai cadre de référence du projet collectif comme inov-On, et où se concilie respect complet des collaborateurs et performance économique…

L’entreprise libérée apparaît bien comme une prolongation naturelle des propositions précédentes, sur un axe ou la qualité de la relation entre l’entreprise et le collaborateur progresse de manière continue.

Avancer avec progressivité

Pour s’engager dans cette dynamique en évitant ces inconvénients potentiels quelques principes peuvent nous aider :: d’abord appréhender l’entreprise libérée comme une étoile du berger vers laquelle il s’agit de tendre, garder en tête les repères cibles fondamentaux : apporter une vision et partager des valeurs, accorder de la confiance et en finir avec les boucles de contrôle et dans ce cadre, aller vers la subsidiarité, l’auto direction et l’auto organisation… ; ensuite avancer progressivement dans sa mise en place,… et enfin savoir quelle est la bonne réponse, pour l’instant, pour son entreprise. Il s’agit de rester conscient de ce que l’on veut faire… et ne pas faire, à la fois dans un premier temps, et de manière prospective, en fonction des caractéristiques de son métier et du type de projet à engager. Entre l’organisation purement taylorienne et celle totalement libérée, au décideur de trouver le degré cohérent d’ouverture de son organisation !

Pour engager cette marche, Les premiers pas consistent en des gestes simples, parfois juste des décisions symboliques du dirigeant. Les patrons qui ont réussi à libérer leur entreprise ont d’abord démontré leur respect et leur confiance en leurs collaborateurs.

Michel Munzenhuter, chez SEW Usocome, a commencé par garer sa voiture dans le parking des ouvriers et Jean-François Zobrist par murer la fenêtre qui « surveillait » l’atelier à partir du bureau du « grand chef ».
Faire ressentir de tels changements dans le quotidien est un moyen de montrer le désir de mieux servir les besoins humains fondamentaux, et aide les salariés à commencer à croire à une évolution de la relation proposée par l’entreprise à ses collaborateurs.

Accepter un accompagnement

La variété de ces mises en place montre qu’il n’y a pas de démarche type, de modèle à appliquer, de scénario assuré, de mode opératoire pré défini à plaquer sur chaque entreprise. Chaque évolution est à imaginer d’une manière adaptée avec le contexte, les caractéristiques du métier, la maturité interne de l’entreprise…et c’est pour cela que se pose la question de l’accompagnement.

Bien qu’il semble au premier abord qu’il y ait un paradoxe se soumettre à un accompagnement pour devenir « libéré », ce soutien s’éclaire si nous nous rappelons qu’il s’agit de tracer et de parcourir un chemin, de franchir des étapes, d’intégrer pour les managers intermédiaires en place une nouvelle représentation de leur rôle ainsi que les compétences nécessaires pour le jouer. Cela explique qu’Isaac Getz rappelle que moins de 3% des dirigeants d’entreprise réussissent cette transition sans être soutenu.

Pour créer de l’autonomie, il est impératif que cet accompagnement s’exprime sous une forme respectueuse du dirigeant, de l’entreprise, de ses managers et collaborateurs. Il se réalise essentiellement sous forme de coaching pour aider à la conscience de la situation, à l’auto prise de décision puis à une mise en action appropriée, et il peut accessoirement se complémenter par l’apport de certaines compétences.

Renforcer la maturité managériale

En ce qui concerne la mobilisation collective, une des interpellations lancées à ce modèle parle de la capacité que garderait l’entreprise à réagir face à un environnement rapidement évolutif et complexe : ne se lancerait elle pas dans de longues palabres au moment où il s’agirait d’agir avec vivacité ?
En fait, dans une entreprise ouverte, si de plus en plus de décisions se prennent de manière collaborative, le Comité de Direction demeure… en situation d’extrême urgence son rôle de décideur se renforce (réapparait peut on dire) et reste légitime s’il l’exprime à travers trois compétences : une capacité d’écoute des informations internes ascendantes qui viennent enrichir ses propres perceptions, un esprit de synthèse pour construire une vision juste de l’entreprise de demain, et une capacité à la communiquer de manière attractive, pour redéfinir des buts concrets et partagés. Même si ces derniers demandent aux hommes des sacrifices afin d’adapter l’entreprise à son environnement, les collaborateurs acceptent de s’engager dans une démarche qui prouve sa légitimité et continue à respecter l’humain du mieux possible dans sa mise en œuvre (par exemple à travers des mesures d’accompagnement bien organisées).
De même dans les équipes, quelles soient fixes, cercles temporaires ou groupes projet, pour que les décisions se prennent vite, le manager aura à développer une assertivité nécessaire à la progression et à l’efficacité des discussions.

Sur le sujet de l’organisation, le risque d’un fonctionnement ouvert serait l’apparition de fonctions et de responsabilité incohérentes entre elles et plus encore, avec le système d’information et les procédures en place.
Pour maintenir sa cohérence tout en restant souple, il est important que l’entreprise conserve en son sein des managers qui savent, au delà de la technique métier, penser et construire autour de leurs objectifs en terme de processus, animer des réunions d’articulation des rôles et des missions, et imaginer des architectures à la fois assez cohérentes pour intégrer un système global, assez pour claires pour être respectées, et assez légères pour laisser de la liberté à l’initiative terrain.

Pour le développement des relations et de la participation, un inconvénient pourrait être une immaturité relationnelle qui ferait des espaces de dialogue un champ de multiplication des jeux de pouvoir.
Cela parle de la nécessité d’avoir en interne des managers compétents dans leur communication inter personnelle, capables d’accorder du temps aux relations et aux échanges informels, de réaliser des feed back positifs, de développer une capacité à la compréhension et à l’empathie.
Cette compétence relationnelle est essentielle pour établir entre membres une confiance et une sécurité mutuelle indispensables à la qualité des échanges en communauté, et derrière au développement de l’intelligence collective.

Pour les pratiques de pilotage, le manager en place peut se retrouver perdu à partir du moment où il ne s’agit plus de jouer au loup alpha, de transmettre des informations descendantes, d’ordonner et de contrôler, puis de sanctionner une non atteinte des objectifs ou une absence respect des règles et des contraintes.
Abandonner cette forme de pouvoir vertical et descendant lui sera possible s’il apprend à la place à agir de manière latérale et attentive, comme un coach socratique, capable de favoriser le développement de chaque collaborateur et l’expression de ses qualités, à travers le renforcement de sa conscience et la compréhension de son action, grâce à la finesse de ses interpellations.
La disparition d’un besoin impérieux de domination l’amènera par ailleurs à animer des échanges collaboratifs et plus, à accepter un leadership tournant selon les sujets, selon la compétence, l’expérience et la motivation de chacun à s’engager sur le thème que l’on aborde. L’autorité devient alors non la prérogative d’un poste, mais la posture d’un collaborateur qui se responsabilise totalement sur une action.

Une approche adaptée à notre culture…

Beaucoup d’entreprises traditionnelles devraient perdurer encore longtemps, mais celles qui souhaitent renforcer leur dynamique et assurer leur pérennité ont intérêt à s’écarter de l’entreprise process pour s’approprier l’esprit et les principes de l’entreprise libérée, et progresser vers leur intégration.

Mieux relier la satisfaction des besoins humains et la réalisation des ambitions entrepreneuriales constitue « le » principe gagnant : aller vers plus de lien, d’humilité, de simplicité, d’espace disponible pour les intelligences, active les motivations intrinsèques des femmes et des hommes de l’entreprise et améliore leur contribution. Même à Chicago, donc dans le lieu qui a donné son nom à une approche managériale agressive, l’Université présente cette année une étude affirmant qu’un leader efficace se caractérise d’abord par sa grande qualité relationnelle (puis par son charisme, son comportement stratégique et sa compétence opérationnelle).

Le challenge de l’entreprise consiste donc à engager une transformation managériale à la bonne vitesse et de la bonne manière … pour avancer plus ou moins vite vers l’entreprise libérée.

Dans le substrat de notre société, où beaucoup de gens ont eu la possibilité de se cultiver, de dialoguer, de s’informer et de se former, cette forme de collaboration représente une chance, car appuyer nos structures engagées dans la compétition mondiale sur cette capacité à la réflexion, à l’innovation et à l’action collective, peut nous apporter un véritable avantage concurrentiel.

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De l’antiquité au à l’ère du digital, mieux relier la satisfaction des besoins humains et la réalisation des ambitions entrepreneuriales a toujours constitué un principe gagnant : aller vers plus d’humilité, de simplicité, d’espace disponible pour les intelligences, active les motivations intrinsèques des collaborateurs et améliore leur contribution.

Les perceptions évoluent actuellement dans ce sens à tel point qu’à Chicago même, donc dans le lieu qui a donné son nom à une approche managériale agressive, l’université présente cette année une étude affirmant qu’un leader efficace se caractérise d’abord par sa grande qualité relationnelle (puis par son charisme, son comportement stratégique et sa compétence opérationnelle).

Certes, beaucoup d’entreprises traditionnelles devraient perdurer encore longtemps, mais celles qui souhaitent renforcer leur dynamique et assurer leur pérennité ont intérêt à se mettre en transformation managériale, à s’approprier l’esprit et les principes de l’entreprise libérée, et à progresser vers leur intégration progressive et adaptée.

Dans le substrat de notre société, où beaucoup de gens ont eu la possibilité de se cultiver, de dialoguer, de s’informer et de se former, les femmes et les hommes de l’entreprise sont vite aptes à cette forme de collaboration qui représente une chance, car appuyer nos structures engagées dans la compétition mondiale sur cette capacité à la réflexion, à l’innovation et à l’action collective, peut nous apporter un véritable avantage concurrentiel.

 

Henri Dumont

Lorsqu’on demande, hors du cadre de l’entreprise à un jeune représentant de la génération Y de confier sa perception de l’entretien annuel à venir, souvent il sourit : « Ah oui l’entretien annuel arrive, mon manager m’a prévenu : prépare toi, c’est important… c’est vrai, ma vie va sans doute se décider là »… derrière son ton moqueur s’exprime sa relation au monde, emplie de recul envers l’entreprise, qui l’amène à se demander à quoi ce moment rime, dans quel jeu de rôle on cherche à l’embarquer, vers quel type de relation on cherche à l’orienter.

Cet entretien et souvent la manière dont l’entreprise et son manager le lui présentent, l’animent, voire l’utilisent, lui semble bien loin de ses attentes, voire lui confirme certains de ses apriori négatifs.

Historique entreprise et besoins de la génération Y

Pour prendre le parti de l’entreprise il faut avouer que la situation n’est pas simple pour elle, car, lorsqu’on parle d’entretien individuel, on rencontre souvent son « cœur de tradition » managériale : cet outil a fréquemment été le premier rituel de management qu’elle demandait à ses managers de pratiquer : elle fournissait des objectifs, des grilles repères, et formait à la pratique de trois grands temps formels (bilan de l’année précédente, synthèse et appréciation, relance sur l’année suivante)… en soulignant l’importance de donner la parole d’abord au managé, dans un management de qualité basé sur l’écoute première de l’autre.

La difficulté du manager était alors de poser un management d’écoute dans un système managérial ne formant qu’à un entretien de synthèse… sans apporter aux managers les compétences nécessaires pour bâtir les résultats attendus en proposant une relation de même nature pendant l’année.

Les générations précédentes acceptaient plus ou moins ce type d’incohérence et de faux semblants, en maintenant un niveau d’implication correct (bien que loin d’être optimal), grâce à d’autres leviers : promesse de promotions, de rémunérations, de protection sur l’avenir…

La génération Y ne fonctionne plus sur ces leviers, elle demande beaucoup plus, beaucoup mieux.

Informé par les déboires des générations précédentes dans leurs relations au système entrepreneurial comme aux autres catégories collectives, elle arrive avec des attentes différentes, aujourd’hui bien cartographiées :
un désir de réalisation personnelle qui parle d’équilibre de vie, d’épanouissement et de passion, un besoin de sens et de valeurs, qui va d’une attente écologique à la compréhension de la pertinence des missions demandées et des exigences transmises, une envie de relations directes et d’échanges émotionnels, qui évoque tant l’expression de la reconnaissance individuelle que l’existence de temps festifs, une volonté de responsabilité qui demande l’existence d’espaces d’expression et d’autonomie.

La génération Y possède ainsi un disque dur aux caractéristiques iconoclastes, construit sur de nouveaux principes. Le collaborateur d’aujourd’hui se différencie du jeune d’hier, taillable et corvéable à merci, qui acceptait de compenser par son labeur les dysfonctionnements de l’entreprise ou de son manager : il n’y a plus de bons soldats à disposition pour traiter les demandes urgentes posées à 18 heures le vendredi soir, plus d’exigences fortes transmissibles sans demandes d’explications claires sur leur légitimité… et plus d’entretiens annuels formels, descendant derrière les apparences, sans cohérence et pertinence de son déroulement.

Le deal a changé, et cette fois, à l’entreprise et à ses managers de s’adapter.

Le type d’entretien à jouer

L’entreprise a certes le besoin d’un peu de formalisme et donc de support pour garder trace de ses échanges, gérer la diversité et les potentialités de sa ressource humaine, suivre la réalité et la variété des évolutions de ses collaborateurs, et prendre des décisions adaptées et compréhensibles par chacun.

Tout en permettant de lui fournir les repères nécessaires à ses décisions, ce support a juste besoin d’être simple, d’éviter de chercher à tout analyser et codifier, pour laisser une place à la capacité d’’attention du manager sur ce qui s’est réellement passé pendant l’année, et à l’intégration des facteurs subjectifs et émotionnels qui ont influencé la réalisation des missions.

Et pour que l’entretien annuel devienne un temps de synthèse cohérent… et simple à animer, l’entreprise, a aussi la nécessité de construire une organisation laissant une place à la relation managériale quotidienne, car le principe de cohérence demande que tout se joue avant cet entretien, dans le mode d’animation proposé par le manager au fil de l’année.

Une fois ces préalables en place, au manager de prendre sa part de la connexion avec la génération Y.

Pour cela, il lui faut apprendre à donner de la signification aux missions individuelles par la logique de son organisation locale, à favoriser l’évolution de ses collaborateurs par un accompagnement adapté, à organiser une responsabilisation bien dosée par ses pratiques de délégation et d’ouverture, à proposer une relation proche et attentive….

Le manager pourra alors échanger avec aisance pendant l’entretien annuel… A condition qu’il le conduise en s’appuyant sur les mêmes principes de management que ceux exprimés pendant l’année (c’est là le vrai sujet d’une formation actuelle à l’entretien annuel).

Tout en restant dans le cadre des exigences de l’entreprise, il pourra alors aider chacun à avoir conscience de son profil, de sa dynamique actuelle et de ses potentialités, et instaurer un dialogue perçu par chaque collaborateur comme un accélérateur de sa progression.
Enfin, il sera légitime pour partager sur l’interaction entre les besoins de l’entreprise et ceux du collaborateur, en le responsabilisant simultanément sur sa contribution immédiate, son avenir moyen terme et sur celui de l’entreprise.

Ainsi animé, L’entretien annuel fera enfin sens.

Les gains de ce type d’entretiens

Il apportera bénéfice à l’individu comme à la collectivité, car l’équilibre de cette approche amènera le collaborateur Y à passer de l’individualisme à l’individuation, c’est à dire à la perception d’un mode de développement personnel dans lequel il voit comment combiner respect de son identité et implication dans les attendus collectifs.

La génération Y pourra alors apporter à l’entreprise : engagement sans réserve, transparence et traitement immédiat des vrais sujets, pragmatisme et efficacité, vitesse d’exécution, apport de nouvelles solutions… toutes qualités bien utiles pour bâtir ses résultats dans un environnement évolutif et concurrentiel

Elle illustre parfaitement la formule classique « contrainte égale opportunité », en apportant à l’entreprise une excellente raison de revisiter ses pratiques managériales et de les rendre mobilisatrices pour favoriser sa réussite.

Alors, prêt ?

Henri Dumont

Restons modestes… et convaincus

Certes, pour construire et optimiser sa performance l’entreprise a besoin d’imaginer son business model, de définir des stratégies pertinentes et de concrétiser leurs valeurs a travers la qualité de leurs planifications et de leur exécution.

Mais, aucune démarche ne saurait aboutir sans la présence d’une ressource humaine motivée et efficace. Aucune approche, aucun procédé ne peut être plus performant que les personnes qui doivent les mettre en œuvre.
Cette valeur apportée par les collaborateurs provient en premier lieu de la qualité du recrutement, et dépend aussi d’un système de rémunération lié à l’excellence des résultats.

Et, elle tire aussi sa source d’un autre facteur: la qualité des relations managériales…
Celle-ci décide au quotidien du niveau d’engagement, de la vitesse et de la qualité d’application, des capacités d’apprentissage et de souplesse, de la précision des analyses et des feed back, des aptitudes de collaboration et d’innovation… en fait des attitudes internes indispensables à la mise en œuvre efficace des stratégies, à leur ajustement et à leur évolution, jusqu’à la réussite des ambitions de l’entreprise.

Aussi, pour l’entreprise, une excellente manière d’assurer sa réussite est d’amener chaque manager à devenir un intermédiaire efficace entre les enjeux collectifs et les besoins de ses collaborateurs.

Bien sûr, à chaque niveau de responsabilité correspond un type d’action privilégié : pour certains la construction d’une vision pertinente et d’un modèle de performance associé, pour d’autres le déploiement des stratégies, pour d’autres encore l’excellence opérationnelle de leur mise en œuvre….

Ces différences de nature dans les missions définissent, pour chaque niveau hiérarchique, la compétence managériale centrale liée à son rôle : porteurs de sens pour les premiers, architectes pour les seconds et, développeurs et créateurs de lien pour les 3ème… mais ne signifient pas pour autant que les autres pratiques managériales peuvent être oubliées.

Jim Collins dans son livre « de la performance à l’excellence » avoue avoir été surpris par le profil type du patron des entreprises qu’il avait identifiées comme remarquables : un homme honnête, accessible, cordial, soucieux de la qualité des relations et avec qui on a plaisir à travailler.
Nous sommes donc loin du modèle traditionnel du grand patron charismatique, à l’air dominateur et aux exigences farouches.

Au contraire, dans les entreprises les plus performantes, les managers, quel que soit leur niveau et leur fonction prioritaire, sont présents sur les différentes dimensions des pratiques managériales… et en ce qui concerne l’exigence, ils l’expriment avec sens, de manière constructive et en font un facteur supplémentaire de motivation et d’engagement des collaborateurs.

Heureusement, chaque manager peut apprendre aisément à manager ainsi, quelle que soit sa personnalité , si l’accompagnement est réalisé avec une pédagogie active, concrète et reliée à son profil et à ses enjeux.

A ce compte l’entreprise disposera d’une ressource humaine capable de l’orienter vers son futur, puis d’avoir une incidence nette sur la vitesse de la mise en œuvre des décisions, d’impacter alors sur la satisfaction de des clients…et sur la rentabilité des capitaux investis.

Henri Dumont